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18 août 2009 2 18 /08 /août /2009 21:35
Je sonne.
Personne ne répond. Comme d'habitude, la porte est vérouillée. Je dois passer le portail, faire le tour et emprunter la clé qui a été suspendue à une pointe, dehors près de la gouttière. L' emplacement a été convenu avec la famille.

Mme L. n'a pas dû m'entendre. Ou bien pas l'envie de m' ouvrir, tout simplement.
Je passe par le sous-sol, imprégné d'une douce odeur de fioul: la chaudière est par ici.
 Après avoir monté les marches cimentées, je dois encore tourner la clé de la porte, et me voilà rendue dans le couloir.

Sur ma gauche, la chambre est éclairée par une faible lumière. La lampe de chevet, allumée jour et nuit, dessine une forme assise dans un lit.
Elle porte au cou son petit foulard rose, bien serré par ses deux noeuds, et est vêtue de son chemisier à festons. Elle s'est encore une fois couchée toute habillée, en ayant pris soin tout de même de se déchausser...a moins qu'elle ne soit sur le point de s'endormir? Ses cheveux ont bien conservé la mise en pli de mardi. (La fille de Madame L. a pour habitude d'amener sa maman au coiffeur tous les mardi pour la mise en pli)

Elle me fixe, sans dire un mot. Je pense "voyons, comment vais-je aborder la chose ce matin?"
Il est 8h40. Je m'approche.

-"bonjour madame L. Avez-vous bien dormi?
-"oui"

Il faut que je la persuade de me suivre jusqu'à la cuisine,. C'est là que nous faisons sa toilette car il y a juste un petit lavabo dans le couloir. Je lui tends la main, elle me suit, et je l'invite à s'assoir. A chacune de mes propositions , je ne sais pas si j'aurai son approbation. C'est une difficulté importante, qui complique sérieusement le soin et son bon déroulement.
Un matin, elle refusera d'ôter son dentier. L'autre, elle sera clouée dans son fauteuil et maintiendra qu'elle a fait sa toilette la veille.

Elle est assise sur sa chaise, droite comme un i. Je lui demande d'ôter son foulard pour débuter la toilette.Refus.
-" vous savez il faut vous déshabiller pour la toilette..."
Elle dénoue son foulard...Ouf!
Je jette un oeil sur le dossier de soin et il est précisé que les bas de contention n'ont pas pu être changés lundi, car il n'en avait pas été déposé de propres.
Aïe!!!

-"Mme L., je vais changer vos bas car ils sont sales.
-ah certainement pas, on les a changé hier!"
Alors je dois justifier mes dires, expliquer.
Elle souffle et gesticule, me signifiant que je n'ai pas toute ma raison. Je considère cela comme un accord...et je change les bas.

Lorsque je pars sur cette tournée, ma crainte est toujours là. Comment sera t-elle ce matin? Souriante? Agressive?
Une fois, tandis que je lui demandais de laver son visage et lui tendais le gant de toilette, j' eu pour réponse:

-"mais c'est vous-même qui allez le faire, on vous paye pour ça non mais!"

Pas facile de garder son calme et de poursuivre le soin.

Mais à quoi bon se fâcher, quand on sait que cette dame est atteinte de la maladie d'Alzheimer?
Un jour, une collègue, qui est également pompier volontaire, nous conseilla de ne pas sonner à la porte, car si jamais il y avait une fuite de gaz, tout exploserait. Il est vrai que cette dame utilise le gaz!

Dernièrement, notre responsable nous évoquait le cas de Mme L. Elle estime que nous atteignons les limites du maintien de cette dame à son domicile. Laisser une femme atteinte de cette maladie seule, chez elle, dans ces conditions, n'est plus possible. Le problème est que la famille n'est pas du tout de cet avis. Se rend- elle compte du danger encouru? Veut-elle tout simplement ne pas ouvrir les yeux?
Et nous-même, en tant qu'intervenants, notre responsablilité n'est-elle pas engagée?







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