23 juillet 2009
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C'est une petite dame simple, tout ce qu'il y a de plus simple, oui.
Les cheveux blancs (qui brillent d'un éclat!), courts mais pas trop. Un petit sourire de malice.
Elle sait vous reconnaitre à la voix car ses yeux ne veulent plus y voir grand-chose. En cela elle fait partie de ces personnes qui ont développé naturellement un sens afin de compenser un autre déficiant...
Par exemple, elle sait quelle infirmière arrive et salue à l' entrée, tandis que je suis de l'autre côté dans la salle de bains avec elle et lui mets ses bas.
-" Ah, c'est Violette."
Lorsqu'on croise son regard, au début on cherche un peu: ses yeux vous regardent et ne vous fixent jamais.
Et puis lorsque l 'infirmière aura fait son pillulier et sera sortie, elle me confiera:
-" Vous voyez, cette dame, elle est très aimable, mais jamais elle ne pense à refermer la porte du garage: c'est toujours ainsi!"
Ce que je préfère, c'est lorsque j'arrive et qu'elle est à son poulailler. Je la rejoint doucement et ma mémoire veut photographier l'instant. Avec sa blouse bleue à carreaux, accordée à ses yeux clairs, elle trotte calmement à travers son verger et va ouvrir à ses " volailles".Il y a deux cabanes là- bas, au fond, accolées, qui ont été bricolées avec ce qui est tombé sous la main à ce moment-là: un sommier à ressort vient même se mêler à la composition, constituant une barrière infranchissable pour les volatiles.
Certaines bêtes restent enfermées dans l'enclos et d'autres peuvent partir gambader sur toute l'étendue du terrain. Ces dernières sont enfermées; elle sort de sa blouse sa grosse clé et la tourne lentement, tire la porte faite de planches, puis laisse s 'échapper les poules. On s'imagine volontiers à une autre époque.
Ensuite il faut ouvrir ce gros bidon de plastique bleu et attraper le grain avec la boite. Jeter le blé dans l' herbe comme si on semait. Du moins c'est ce que mon jeune esprit s'imagine. On sait à la voir que ce geste fait partie de sa vie, de son histoire; agricultrice retraitée bien sûr. Veuve depuis quelques ans déjà. Des photos d'elle près de son mari qui est assis sur un tracteur. Dans la salle à manger,plusieurs clichés de ce moment dans un cadre. Ils souriaient.
Un matin cet hiver lorsque j'arrivai je la trouva la tête penchée dans sa cuisinière à bois, les mains dans l'alandier, en train de tenter de remettre la grille en place qui s'était effondrée sur un côté dans le cendrier. Il faisait 12 ou 13 °C dans la maison. (Il y a pire chez d'autres)
Il a fallu que j'insiste pour qu'elle me laisse regarder.
A plus de quatre-vingt ans, elle n'a pas peur de grand-chose, à vrai-dire. Après avoir travaillé dur depuis toute jeune sur les terres, après avoir perdu un enfant à la naissance dans sa propre demeure, (là-même où ensuite la vie doit continuer) après avoir perdu l'être aimé, que peut-on craindre, si ce n'est la solitude?
Cette dame un jour m'a dit qu'elle n'avait plus de larmes pour pleurer. Quand elle voudrait elle ne peut pas: ça ne vient pas.
Et quand elle évoque sa situation, sa vie solitaire et bancale:
"Et si ça peut durer un peu encore comme ça, ça va".
Sacré caractère, la petite dame aux poules. Il est des essences d'arbres, comme ça, qu'on ne couche pas au prmeir coup de vent, et qui se fortifie presque à chaque tempête.